Meshuggah a su inventer son style en exploitant des déphasages de structures rythmiques et des polyrythmies sur des tempo moyens (souvent autour de 120 bpm), ce qui permet de transmettre un groove inédit, notamment grâce au style du batteur (dont les « ghost notes » et les accents imprévisibles de caisse-claire ou cymbale crash font parfois penser à des tournures de free jazz).
Si l'on prend un exemple simple, comme dans le premier riff de Stengah (album Nothing), les guitares et une partie de la batterie (grosse caisse + caisse claire) suivent une structure en 11/4 (en réalité deux fois 5 temps et demi) alors qu'une cymbale crash du batteur bat le tempo à la noire. De ce fait, tous les 5,5 temps la cymbale crash se retrouve à contre-temps.
Un autre exemple de déphasage, toujours dans Stengah, lorsque le riff principal évoqué précédemment est repris en syncopes (à 01:44), tout le monde joue la structure en 11/4, mis à part la caisse-claire qui joue sur le troisième temps d'une structure en 4/4 (terriblement perturbant). On peut également noter une technique souvent appliquée par le groupe qui consiste à reprendre entièrement le riff avant qu'il ne se termine : toujours dans le même exemple, le riff est joué une fois, puis une moitié seulement, avant d'être repris. Ce genre de techniques de composition (ajouter, modifier, supprimer un élément là où on ne s'y attend pas) est très récurrent chez Meshuggah et au final la musique surprend sans arrêt, de secondes en secondes.
Pour prendre un dernier exemple un peu plus complexe, on peut citer le premier riff de Rational Gaze (le riff principal), qui fait preuve d'une rythmique en 3 couches :
* une structure complexe (qui semble être 14/8, 13/8, 14/8, 13/8, 15/
joué simultanément par l'ensemble guitare+basse+grosse caisse
* Une structure simple 4/4 : cymbale crash joué sur chaque temps + caisse-claire sur les temps faibles (ce genre de fil conducteur est souvent présent dans les rythmiques et constitue la base du groove, pour ce genre de plans)
* Une structure composée avec les autres cymbales du batteur (chinoises et crash) qui appuient tantôt la première structure, tantôt la seconde, faisant office de liant et d'élément perturbateur.
Meshuggah sait également faire preuve de structures bien plus simples en 4/4, que l'on retrouve davantage sur les albums plus anciens, comme Destroy, Erase, Improve ou encore Contradictions collapse.
Côté guitares rythmiques (ce qui inclut la basse, sachant que la plupart du temps elle joue soit à l'unisson, soit la tonale), les compositions sont souvent dissonantes (car utilisant énormément des demi-tons rapprochés, cf. In Death is Death ou encore Stengah) ou soit plus classiques, utilisant des gammes harmoniques plus percutantes (mineure harmonique par exemple). Le jeu alterne souvent cordes étouffées et cordes libres, sans aller chercher d'autres techniques comme par exemple les harmoniques, très récurrentes dans le métal. Grâce aux guitares 7 ou 8 cordes, les accords sont très graves et souvent joués sur 4 cordes (tonique, quinte, octave, et quinte à l'octave). Le groupe travaille ses ambiances et ses couleurs en étant lui-même aux commandes des enregistrements, faisant parfois durer des accords ou des notes, nous laissant apprécier le son des instruments. Les solos de guitare quant à eux sont à l'image du groupe : totalement tortueux et originaux, on pourrait davantage parler de sculpture sonore démente et schizophrénique.
Enfin, le chanteur, dont le rôle n'est pas des moindres, est un hurleur confirmé, qui peut parler à voix basse dans certains titres. Ses textes (souvent rédigés par Tomas Haake, le batteur), toujours imagés, illustrent les compositions, traitant de chaos, d'asservissement, de folie, de confusion ou de destruction. Si sa dynamique est quasi nulle et ses lignes monotoniques, c'est pour focaliser son énergie sur la rythmique : véritable ciment, il s'impose en liant les différentes structures en un tout solide.