CC : Pourquoi tes proches ont-ils décidé de venir aux US ?
DM : Vers 1975 ils ont commencés à voir des changements dans le gouvernement. Et ce n’étaient pas juste mes proches mais presque la moitié de ma famille. J’ai une énorme famille, et une moitié est venue aux USA et l’autre est restée en Irak, et ils y sont encore. Tu vois, mon père est un artiste et je ne pense pas qu’il aurait voulu vivre dans une société qui interdisait cet art.
Mes parents sont très ouverts d’esprit. Ils ont vu les changements dans le pays donc ils sont allés aux USA. A cette époque, beaucoup de gens du Moyen-Orient, n’avaient jamais eu de problèmes avec les USA. Ma mère m’a dit que lorsqu’elle était jeune elle admirait les US, et qu’elle aimait cette culture, comme plein de personnes dans le monde.
En Asie, au Moyen-Orient, en Europe, les gens voyaient les US comme une nation héroïque. Plein d’acteurs ou de musiciens favoris des pays du tiers monde, viennent des Etats-Unis, la musique venait d’Angleterre et des US. La culture occidentale n’était pas anti-Moyen-Orient. Ma mère a grandit en écoutant et en chantant les chansons de Nat King Cole – tu vois ce que je veux dire ? Maintenant des dizaines de millions de personnes vivant dans ces pays ont changé d’avis sur l’Ouest, à cause de la politique étrangère des USA.
CC : Sais tu que l’Amérique a l’intention d’extrader le canadien Marc Emery aux USA a cause de ses activités politiques et de son business de vente par correspondance de graines (de canna) facilitant son activisme politique? Si ça arrive, les canadiens seront furieux. C’est ce que le 60 minutes (télévision) vient de m’envoyer sur Marc Emery.
DM : Ne nous voilons pas la face : L’Amérique est pratiquement l’empire du monde. Alors si les canadiens avaient fait ça aux États-Unis, les fédéraux les auraient empêché de faire ça. C’est absurde, en Californie on a des pharmacies qui donnent des cartes de marijuana médicale et ou on achète de l’herbe sans aucun problèmes. Il y a des centaines de pharmacies comme ça en Californie. Ça me fait marrer, et la première fois que j’ai vu ça je me suis dit : ça ne peut pas durer ! Ça ne va pas durer ! Mais ça continue comme ça depuis 10 ans malgré la détermination de la DEA (Drug Enforcement Administration) de les fermer.
Je crois que ça me fait penser que les choses devraient changer pour le mieux. C’est un bon indicateur que la société – du moins en Californie et dans les états de l’Ouest – est en train d’élargir sa vision au niveau du cannabis. Si tu veux parler de légalisation, ce que nous vivons en Californie est un grand pas en avant.
CC : Penses tu que fumer de l’herbe t’aide, en tant que musicien, a trouver de l’inspiration ?
DM : Oh, tu sais mec je fume des que je me réveille, je suis un wake-n-baker. Je fume une quantité incroyable de weed… Personne ne devrait autant en fumer. J’étais à Amsterdam et j’étais invité dans un de ces magasins ou il y a 17 ou 18 sortes d’herbe différentes rangées par nom, le mec nous a dit qu’on pouvait fumer autant qu’on voulait. Je me suis dit ‘putain ça déchire !’
Je me suis assis et je les ai classées, je ne connais rien à la biologie ou à la pousse de l’herbe mais je me suis retrouvé à choisir les meilleures. Il m’a dit que 5% des fumeurs sont capables de fumer autant que moi, et que personne n’avait encore choisit les 5 meilleures, a part moi. J’ai répondu que je n’y connaissais rien, je savais juste ce que j’aimais.
CC : Te souviens tu de celles que tu as choisis ?
DM : Ma préférée s’appelait Neville’s Haze.
CC : Donc dans quelle mesure fumer influence ta créativité ?
DM : Je me considère comme quelqu’un de ‘high’ (je ne sais pas trop comment traduire son ‘up’ vu que ça parle d’herbe je met high comme quand on est défoncé), et ça enlève quelques barrières. Je veux dire que pour chaque disque que j’ai écrit, j’étais complètement stone, et même pire. Mais je ne peux pas dire que je ne peux pas écrire sans ça. C’est très agréable d’écouter de la musique quand je suis stone. C’est une des joies d’être défoncé, écouter de la musique.
On peut penser que le cannabis est une échappatoire, mais je pense que ça dépend des personnes. Je connais plein de gens qui ne fument que du cannabis et je n’ai aucune idée de ce qu’ils peuvent ingérer d’autre. Dans toute ma vie, j’ai vu beaucoup, beaucoup, beaucoup plus de destruction ou de pessimisme venant de l’alcool, donc je ne bois pas. Je buvais avant, mais plus depuis mes 21 ans, ça fait plus de 10 ans. J’ai vu plein de mauvaises choses dans ma vie venant de l’alcool.
Et ensuite il y a le tabac et les rayonnages, les rayonnages de produits toxiques dans nos supermarchés et dans les centres commerciaux que l’on sait mauvais et toxiques, qui sont pourtant tous légaux. Mais le cannabis ne l’est pas. On est entraînés et programmés pour ne plus penser avec nos cœurs. L’Etat nous donne la permission de nous lever le matin et de boire de la caféine et de fumer une cigarette, mais pas de fumer de l’herbe.
Je ne dis pas que vos enfants devraient fumer de la weed, mais je dis qu’ils feraient peut être mieux de fumer de l’herbe – sûrement moins dangereuse – que de descendre un pack de 12 budweiser (bière américaine) tous les jours.
CC : Beaucoup, peut être la plupart des lecteurs de Cannabis Culture ne connaissent pas le Génocide Arménien. Peux tu en parler et nous dire pourquoi cet horrible événement est si important pour toi ?
DM : Certaines personnes voient ça comme un positionnement politique. A mon avis c’est quelque chose de personnel. Le gouvernement turc fait une propagande anti-SOAD, c’est allé si loin que même notre label en Turquie ne voulait plus nous représenter. Mais ce ne sont que des mensonges. Ils disent que nous marquons ‘chiens et turcs interdits’ sur nos souches de tickets ce qui est bien sur effarant ; on n’a jamais fait quelque chose d’aussi bas. La presse turque transforme délibérément notre message aux yeux de notre public turc.
On n’a jamais dit qu’on en avait contre le peuple turc. On n’a rien contre le peuple turc, sincèrement. C’est juste que quand tes arrières grands parents, ma grand mère, et tous les grands parents arméniens qui sont encore en vie après avoir vécut ce génocide (dans l’est de la Turquie de 1914-1915) et que les turcs entendent leur gouvernement dire que ça n’est pas arrivé, ça a tendance a t’énerver.
Cependant, si les écoles n’apprennent pas la vérité aux élevés, en tant qu’arménien on se doit de le faire puisque nous sommes à un endroit ou les gens vont nous écouter. En tant qu’arménien, tu dois en parler quand tu as la chance de te faire entendre.
(Note de l’éditeur : 1 million et demi de personnes ont été exterminées pour détruire l’indépendance arménienne. Les turcs refusent de reconnaître ces atrocités et cette période abominable de leur histoire. Le gouvernement turc dément catégoriquement que ça se soit passé. Même si pour parler de génocide, il faut recenser des dizaines de milliers de bourreaux – Au Cambodge, Rwanda et en Arménie par exemple – il est quasi impossible de retrouver une quelconque personne, gouvernement ou officier qui admet être responsable. De ce fait, les victimes ressentent une puissante rancœur, car leurs souffrances et leur anéantissement n’est pas reconnu.)
CC : Pourquoi pensez vous que la Turquie refuse de reconnaître ses actions ?
DM : C’est problème politique. La Turquie ne veut pas qu’il y ai de reconnaissance, car ils pensent qu’ils devront rendre des terres et donner de l’argent. Ce que fait la Turquie serait la même chose que si l’Allemagne disait que l’Holocauste n’avait pas existé. Le Génocide Arménien a été planifié de la même façon que l’on fait les nazis avec leur ‘solution finale’. Quand on lit les mémoires d’Hitler, on peut y lire ‘Qui se souviens des arméniens ?’
(Note de l’éditeur : extrait d’un discours d’Adolf Hitler aux commandants de la Wehrmacht a sa résidence de Obersalzberg le 22 août 1939, une semaine avant l’invasion de la Pologne, il a dit : ‘Allez y…Tuez sans merci. Après tout, qui se souviens des arméniens ?’)
En gros il pensait qu’il pourrait s’en tirer avec l’Holocauste parce que les Turcs n’avaient eu aucun problème avec le génocide. Je ne m’engage pas politiquement et je n’en parle pas non plus. Je pense que, contrairement aux autres membres du groupe, j’écris les chansons et je laisse le reste. Je suis la politique, mais je ne veux pas être vu comme ce genre de mec. Serj s’implique politiquement, moi je me concentre sur l’art, la musique, et ma spiritualité.
CC : On vous a demandé de jouer au Grammy Awards cette année. Comment vous êtes vous concertés dans le groupe, quand vous avez reçu cette invitation ?
DM : On a même pas discuté de ça – on ne va pas la bas. On a gagné le Grammy, mais on n’y est pas allé pour le recevoir. On ne tient pas à être des rocks stars sympas. Tu as vu tous ces gens qui ont gagnes ? Ils soulent. Je veux dire…C’était cool pour ma mère.
On m’a envoyé le Grammy dans un paquet, et je ne l’ai toujours pas ouvert. Ouais j’ai gagné, mais est ce que ça me change la vie ? Pas vraiment. J’ai des insomnies quand je pense à la prochaine chanson que je vais écrire. C’est la que toute mon énergie est dirigée.
CC : Quel est le sens de ‘Prison Song’ ?
DM : Elle parle de beaucoup de choses différentes. La chanson a été écrite par Serj et moi. J’ai trouvé le thème, ‘They’re trying to build a prison.’/ ‘ils essayent de construire une prison.’ J’ai pensé à cette chanson quand je suis allé en prison, et je l’ai écrite quand je suis rentré chez moi.
CC : Pourquoi es tu allé en prison ?
DM : J’ai eu des mandats/sanction… (Je ne vois pas vraiment d’autres traductions…) Quoiqu’il en soit, je suis rentré et j’ai pensé au sujet de la prison, et Serj a rajouté le système carcéral et sa façon de fonctionner, les statistiques. D’après moi, tu peux voir que les prisons sont carrément surpeuplées mais pas de meurtriers, de pédophiles et de criminels violents ; mais plutôt de gens qui sont pris avec de la drogue.
Quand tu regardes ça avec du recul, tu te demandes, est ce que ça fait que la société est plus sure ? En fait, la façon dont marchent les prisons, ça ne marche pas.
CC : Michael Moore a participe à votre clip ‘Boom !’ Comment ça s’est passé ?
DM : C’était un moment très émouvant pour moi. C’était avant que l’Amérique n’aille en Irak et j’avais vraiment peur, je m’attachais à l’espoir qu’ils n’y iraient pas, parce que la moitié de ma famille vit la bas. Elle était dans Steal This Album (2002) et on s’est promis qu’on ne ferait pas de tournée et qu’on ne sortirait pas de single. On voulait juste sortir l’album.
On avait la chanson ‘Boom !’ et on s’est dit, hey on peut faire passer un message avec cette chanson. On savait que le réalisateur Michael Moore (Bowling for Columbine, Fahrenheit 911) était un de nos fans, et on s’est dit qu’on pourrait collaborer et faire un clip pour cette chanson. On voulait faire quelque chose.
Je n’ai pas de diplôme de high school (équivalent du bac), mais j’avais pressentit ce qui allait se passer en Irak… Alors on ne faisait que dire ‘s’il vous plait, la guerre n’est pas juste.’ Peut être qu’on peut montrer cette vidéo a des jeunes, et peut être que ces jeunes se lèveront et protesteront ou feront quelque chose. On a pensé que Michael Moore avait des couilles.
Début 2003, personne ne disait rien, personne ne voulait protester contre la guerre – C’était limite de la trahison. Si tu protestais contre la guerre tu devenais un pestiféré. Du coup on se demandait, qui aura les couilles de protester avec nous ?
CC : Michael Moore était plus polémique que jamais a cette époque.
DM : Pour être honnête, on ne l’a jamais vraiment rencontré. Il a envoyé toute son équipe de film, et je lui ai parlé brièvement au téléphone, mais je ne l’ai jamais vu. J’aime ce qu’il fait, et je le trouve cool, mais je suis pragmatique. J’aime comprendre ceux qui ne sont pas du même avis que moi. Je suis un peu au milieu. J’ai besoin de comprendre les autres points de vue pour pouvoir me faire une opinion plus réfléchie. Pourtant je ne hais pas l’Amérique.
CC : J’adore la chanson ‘Holy Mountains.’ Que raconte cette chanson ?
DM : Cette chanson parle de Masis (la terre des arméniens) et de Ararat (une montagne dans l’Est de la Turquie qui serait ou l’arche de Noé aurait été construite). Si tu vois ces montagnes a la télé, ils les décriront comme des montagnes turcs, et c’est remuer le couteau dans la plaie pour les arméniens parce que ce sont des montagnes arméniennes et pas turques. On nous les a volé.
Donc cette chanson, ‘Holy Mountains,’ parlent de ces montagnes et comment elles nous ont été volées. Mon petit cousin s’appelle Masis.
CC : Dans quelle mesure votre spiritualité influence votre musique ?
DM : Ma spiritualité est ma musique. Je n’ai aucune maîtrise de mon écriture de chanson. Ce que je fais, c’est que je prie beaucoup pour me rapprocher de Dieu, et dans mon cas, prier c’est me concentrer et écouter de la musique. Pas juste de la musique, mais toutes les sortes d’art, et c’est de cette façon que je me rapproche de ma puissance supérieure (un pouvoir plus grand que soi).
Par Jenniffer Zimmerman ; Photos par Derek Plank. Article venant du magazine Cannabis Culture (Nov/Dec 2006) ; Traduction par Miho
Je m'excuse pour le temps que j'ai mis a traduire, j'avais pas beaucoup de temps.
J'ai eu tres peur quand Daron a dit qu'il priait beaucoup, parce que la religion je suis pas fan...Mais quand il dit que pour lui c'est ecouter et se concentrer sur la musique, ca m'a rassurer mdr! Dans ce cas, je prie bcp moi aussi ^^